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CBNEWS
10 mai 2010

Berlin-Athènes, le divorce est consommé

Après des mois d’un feuilleton haletant, le parlement allemand a voté le 7 mai la contribution de 22,4 milliards d’euros au plan d’aide à la Grèce. Un « coup de main » qui a fait perdre à Angela Merkel la majorité au Bundesrat, la chambre haute du Parlement. Entre Athènes et Berlin, rien ne va plus.


C’est un désaveu pour Angela Merkel. Les traits tirés, le visage sombre, la Chancelière allemande a reconnu lundi une « amère défaite » en Rhénanie du Nord-Westphalie, où le candidat conservateur démocrate n’a pas su convaincre. Conséquence : Angela Merkel perd la majorité au Bundesrat, la chambre haute du Parlement allemand. Les partis de gauche disposent maintenant des voix nécessaires pour bloquer ses projets, à commencer par la réforme des impôts et du système de santé. Les électeurs ont non seulement sanctionné le gouvernement régional, mais surtout l’action du gouvernement de madame Merkel. Sa gestion de la crise grecque n’est pas étrangère à cette défaite.

Depuis le début de la crise grecque, le peuple allemand s’est montré hostile à un plan d’aide à son voisin méditerranéen. La presse nationale s’est fait le relais de ce mécontentement. En première ligne, le quotidien populaire Bild Zeitung, pour qui la Grèce est « malheureusement un puits sans fond » dans lequel l’opinion allemande ne veut pas jeter la moindre pièce. Selon un sondage paru le 27 avril pour la chaîne France 24 et le groupe WELT, 57% des Allemands estiment qu’une aide financière à la Grèce est une « mauvaise idée ».


La cigale et la fourmi

« Pourquoi payons-nous aux Grecs leurs retraites de luxe ? », s’est interrogé en une le journal Bild. Le quotidien le plus lu d’Allemagne affirme que « beaucoup d’Allemands peuvent rêver du système des retraites grec ». Si l’Allemagne a traîné les pieds à aider la Grèce, c’est aussi en raison du décalage qui règne entre ces deux peuples. Première puissance économique européenne, l’Allemagne est réputée pour sa discipline économique. Pendant dix ans, les Allemands se sont serrés la ceinture, jouant à fond la carte de la compétition et des exportations. A l’inverse, le souci de la productivité et le civisme fiscal ne sont pas des vertus répandues en Grèce. Le précédent gouvernement (2004-2009) a étendu le service public, déjà important et inefficace, embauchant 75000 fonctionnaires supplémentaires. Une gestion des finances publiques calamiteuses, à laquelle s’ajoute la nature clientéliste de la politique grecque. Depuis des années, les politiciens grecs utilisent l’Etat comme un moyen d’accorder des faveurs à leurs électeurs. Sans oublier la corruption…

Le magazine allemand Focus affuble dans une de ses unes la Vénus de Milo d’un doigt d’honneur et assimile la Grèce à la fraude et au déclin (« Indécrottables : la ruse des Grecs »). Dès le lendemain, le quotidien de gauche grec I Nikis riposte avec un drapeau nazi flottant sur la porte de Brandebourg. Les esprits s’échauffent. Une association de consommateurs grecque appellent même au boycott des produits allemands. On atteint le summum des tensions lorsque le vice-Premier ministre Theodoros Pangalos dénonce les critiques de Berlin vis-à-vis d’Athènes, et évoque l’invasion de 1941 par l’Allemagne nazie et les dettes accumulées envers la Grèce. Une enquête officielle avait établit en 1997 que le IIIe Reich avait confisqué 580 millions de dollars en or aux banques centrales des pays occupés, soit 7 milliards d’euros.


L’Allemagne flouée

Cédant à la pression exercée par ses voisins européens et à celle des marchés, Angela Merkel a fini par lâcher le morceau. Berlin apportera sa contribution, avec 8,4 milliards d’euros de prêts (sur les 30 milliards accordés par les partenaires européens). Un échec pour cette figure de la rigueur plus encline à encourager le serrage de ceinture. La Chancelière n’a pas pour autant omis de poser ses conditions. L’Allemagne consent à aider la Grèce si et seulement si le gouvernement grec présente un programme de réductions des déficits publics et de réformes sur plusieurs années. Condition acceptée, sans assurance qu’elle soit respectée.
La Grèce est « sauvée », il n’en demeure pas moins que l’Allemagne se sent flouée. Il y a chez les Allemands le sentiment d’avoir joué le jeu, d’avoir bon gré mal gré accepter les réformes du marché du travail mises en place par l’ancien Chancelier Gerhard Schröder. Des sacrifices et des efforts de modération salariale sans précédent ces dix dernières années. Cette année, le syndicat IG Metall est arrivé à la table des négociations sans revendication sur les salaires. Une première dans toute son histoire. En résumé, les Allemands ont l’impression de s’être « faits avoir », de se serrer la ceinture depuis une décennie pour finalement reverser le fruit de leurs sacrifices à leurs voisins, moins rigoureux qu’eux.


La pression des élections

« Madame No » avait ses raisons pour freiner des quatre fers dans les négociations. Aux prises avec son propre calendrier national, elle ne perdait pas des yeux le 9 mai, date des élections régionales en Rhénanie-du Nord-Westphalie, province dirigée par le conservateur Jürgen Rüttgers, membre de la coalition de droite. Un scrutin crucial pour conserver la majorité au Bundesrat, la Chambre haute du Parlement Allemand. Angela Merkel a essayé de gagner du temps dans les négociations avec ses voisins européens, mais sous la pression elle a du lâcher du lest, acceptant de verser une contribution à la Grèce. Une aide de trop pour les Allemands, qui ont sanctionné sa gestion de la crise grecque dimanche 9 mai en votant pour le candidat de l’opposition. Madame Merkel a perdu la majorité, comme ses espoirs de faire passer ses grands projets sur la fiscalité et la santé. Ce « tir de sommation » va donner du grain à moudre à la Chancelière, sur le plan national cette fois. Des rumeurs de remaniement ministériel circulaient déjà au soir de sa défaite en Westphalie-Rhénanie du Nord.

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